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Cambiare Rotta dans Bulletin International Novembre 2023
Aujourd’hui, en tant que jeunes étudiants universitaires, nous avons participé à l’assemblée nationale à Rome “Briser toute complicité entre l’Italie et Israël”.
Ces dernières semaines, nous nous sommes engagés sur les places, dans les ports et avons occupé les universités de toute l’Italie, de Rome à Turin, de Bologne à Gênes, pour condamner la complicité entre le monde universitaire et le génocide en Palestine, ainsi que l’implication plus générale du monde de l’éducation et de la recherche dans les guerres impérialistes.
Lors de l’assemblée d’aujourd’hui, nous avons réitéré la nécessité du boycott académique et les demandes d’interruption immédiate des accords entre le MUR et Israël, formalisés dans les accords depuis 2000, la révocation immédiate des accords avec les universités israéliennes, ainsi que l’interruption de tous les accords qui lient l’université à l’industrie de la guerre, des géants de la production de guerre comme Leonardo spa aux alliances militaires atlantiques comme l’OTAN.
Stoppons à la source la complicité entre le monde de l’éducation et l’apartheid israélien, pour que les universités redeviennent des lieux de pensée différents et des promoteurs de la paix, et non une pièce dans l’œuvre d’extermination ; multiplions et valorisons les initiatives de soutien à la Palestine dans un cadre général et partagé de lutte contre l’apartheid et l’impérialisme ! Vous trouverez ci-dessous le texte de notre contribution à l’assemblée d’aujourd’hui.
Avec la résistance palestinienne jusqu’à la victoire
Du 7 octobre à aujourd’hui, après près d’un mois et demi de massacres perpétrés contre la population palestinienne de la bande de Gaza et d’ailleurs, le monde occidental continue de maintenir une position de silence-consentement, marmonnant de temps à autre de timides hésitations pendant qu’Israël se livre à un véritable génocide.
Non seulement le gouvernement Meloni, mais aussi tout l’arc des forces parlementaires de notre pays, se rangent du côté du droit inaliénable et incontestable à “l’autodéfense de la seule démocratie du Moyen-Orient”, tandis que les journalistes et les médias s’arrachent les cheveux pour trouver de nouvelles justifications idéologiques à l’épuration ethnique de l’État sioniste.
La bande de Gaza, tourmentée par un blocus économique, énergétique et militaire complet imposé par Israël, privée d’électricité, de gaz, de nourriture, d’eau potable et de fournitures médicales, est le camp de concentration le plus surpeuplé de la planète, et depuis un mois et demi, des tonnes de bombes explosives ont été larguées sur cette population composée à 70 % de femmes et d’enfants enfermés dans des cages.
Les plus de 11 000 victimes, dont le nombre ne cesse d’augmenter, dont plus de 4 000 enfants pèsent lourdement sur la conscience occidentale et sur notre gouvernement, qui a du sang sur les mains. L’impunité dont jouit Israël lorsqu’il viole les droits de l’homme et les principes de la Convention de Genève de 1950 montre à quel point le droit international n’est plus qu’un vieux papier ou une nouvelle arme de chantage entre les mains de l’Occident. Des bombes au phosphore et des bombes à fragmentation sont larguées sur la population civile, mais aussi à la frontière avec le Liban. À Gaza, les hôpitaux, les centres de réfugiés, les écoles de l’ONU, les journalistes, les immeubles d’habitation sont pris pour cible sans distinction, tandis que plus d’un million de citoyens ont été contraints de se déplacer du nord au sud de la bande, dans une nouvelle et terrible Nakba.
Sous nos latitudes, comme nous l’avions déjà vu avec la guerre en Ukraine, les premières armes utilisées sont la censure, la distorsion de l’information et l’utilisation généralisée de la propagande médiatique, la restriction de l’agilité politique et démocratique.
Notre organisation de jeunesse communiste en Italie est engagée, dans les écoles, les universités et les quartiers, en poursuivant plusieurs axes de travail, en donnant avant tout une place centrale au travail d’analyse et de contre-information. À une époque où le récit médiatique est écrasé, le travail d’information s’avère crucial et fructueux pour sensibiliser et mobiliser.
Un autre champ de travail s’effectue dans les universités, en soulevant la question des relations des pôles d’enseignement supérieur avec les universités israéliennes, ce qui nous enrôle de fait aujourd’hui du côté du régime sioniste, de l’OTAN et de l’appareil militaro-industriel européen. Dans l’intégration progressive des appareils de défense et militaires et des entreprises de guerre, la formation des savoirs se façonne également au coup par coup. Le révisionnisme historique auquel nous assistons conduit par exemple à un retour aux gloires guerrières et militaires, quand ce n’est pas directement aux idéaux fascistes et réactionnaires, une pente dangereuse que nous avons contestée le 4 novembre dans la rue.
La tendance générale de la recherche publique à devenir de plus en plus la servante de l’armée passe par des accords de recherche, des brevets, le révisionnisme historique dans les programmes d’études, des pactes de patronage et de collaboration, des incitations et des bourses ciblées, et de moins en moins de développement de l’esprit critique.
Si déjà en général le dégraissage du secteur public a conduit à l’entrée d’entreprises privées dans nos universités, encore plus en tendance cela se produit avec des entreprises qui font partie de la chaîne de guerre et avec des organismes nationaux et supranationaux à fonction militaire, comme le programme de l’OTAN pour la science au service de la paix et de la sécurité, de grands fonds présentés comme des ressources pour le développement scientifique dans les pays membres et partenaires qui cachent le renforcement du contrôle de la recherche stratégique pour des intérêts militaires.
Le savoir et la production de connaissances mis au service de la chaîne de la mort au lieu d’être à la recherche de solutions aux problèmes criants de l’Humanité, comme de notre génération.
De Pise à Gênes, de Milan à Bologne, Bari, Rome… dans de nombreuses universités, les initiatives des étudiants et des professeurs en faveur de la Palestine se multiplient, avec des campagnes de signatures contre les accords, les chefs d’établissement, des pressions sur les recteurs et le ministère des Universités. Comme l’ont montré les occupations de Naples, Padoue, Venise, Rome, Turin, Gênes et Marcerta, le monde des étudiants universitaires se tient aux côtés de la Palestine et demande aux différentes universités et au ministre des Universités non seulement de prendre position contre le génocide en cours, mais aussi pour l’arrêt immédiat de tous les accords entre le monde universitaire et la guerre, contre la complicité de l’éducation et de la recherche avec l’apartheid israélien.
Prenons quelques exemples : Les dizaines d’universités et de centres de recherche israéliens sont pleinement impliqués et intégrés dans l’apartheid et le génocide du peuple palestinien, soit ouvertement par des accords avec l’armée israélienne, soit de façon moins flagrante en occupant avec leurs installations des territoires arrachés aux Palestiniens, et en contribuant ainsi à l’effacement de la mémoire historique et au politicide d’un peuple.
Nombre de ces universités sont situées sur des terres illégalement annexées par Israël aux territoires palestiniens, comme l’Université d’Ariel fondée en 1978, qui “présente une nouvelle perspective du sionisme contemporain et s’efforce de revitaliser les valeurs de la construction de l’État par l’excellence dans la science et la recherche”, comme l’indique son site Internet.
Ou comment l’université de Tel Aviv est située sur des terres appartenant à Sheikh Muwannis, un village palestinien dont les habitants ont été expulsés par les milices juives en 1948.
Ou encore qu’il s’agit d’accords qui nous lient des instituts directement impliqués comme le Technion – Israel Institute of Technology dans la ville de Haïfa, à des programmes à des fins militaires dans le système académique national, et se trouve dans un réseau de collaboration avec l’Union européenne. Rien qu’avec Horizon 2020, le Technion a obtenu de l’UE des projets de recherche d’une valeur totale de 89,6 millions d’euros. Il est également affilié à la Conférence des écoles européennes pour l’enseignement et la recherche avancés en ingénierie (CESAER), qui voit 53 universités d’excellence de 24 pays européens + Israël (y compris des universités italiennes) coopérer ensemble dans le domaine technico-scientifique.
Le Technion est internationalement reconnu pour avoir directement contribué à la recherche, à la conception et à la production de certains des systèmes d’armes les plus destructeurs utilisés par les forces armées israéliennes : parmi eux, le bulldozer “D9” télécommandé, utilisé par l’armée pour démolir les maisons palestiniennes ; ou les fibres optiques capables de détecter les tunnels souterrains, qui ont été testées pour la première fois dans la bande de Gaza. Ou encore le système de missiles de défense aérienne ‘Iron Dome’, employé depuis le bombardement de Gaza à l’été 2014.
Le Technion n’est qu’un exemple parmi d’autres de l’utilisation intensive de l’éducation par Israël dans le cadre de l’occupation en Palestine.
En effet, les centres de recherche facilitent par des avantages économiques et/ou éducatifs les étudiants appelés à effectuer leur service militaire pendant les opérations de guerre. En plus de collaborer avec des entreprises telles que Elbit Security Systems Ltd. un fabricant de technologies et de drones utilisés dans la surveillance de masse.
Depuis 2000-2001, le MUR italien a conclu des accords de coopération et de recherche dans le domaine universitaire avec Israël pour assurer le développement et l’épanouissement de certains secteurs en particulier, notamment l’ingénierie appliquée et les nouvelles technologies.
En ce qui concerne le lien général entre le monde universitaire et l’industrie de la guerre, l’un des investisseurs les plus inquiétants dans les universités italiennes est le géant italien de la technologie militaire Leonardo spa. L’entreprise finance les universités et les instituts techniques supérieurs de notre pays par le biais d’accords, de stages et de journées de carrière. Avec la création de Leonardo Labs, elle a développé, en coopération avec les centres de recherche universitaires, de nouvelles technologies et des brevets qui seront utilisés dans la production de guerre.
Mais ce ne sont pas les financements du Pentagone américain qui manquent et les accords directs de notre ministère des Universités et de la Recherche avec l’OTAN et le ministère de la Défense, renforçant en fait à travers l’académie le rôle géopolitique de l’Italie et surtout de l’UE à l’échelle mondiale.
En 2021, la Fondation Leonardo Med-Or a été créée dans le but de “promouvoir des activités culturelles, de recherche et de formation scientifique afin de renforcer les liens, les échanges et les relations internationales entre l’Italie et les pays de la zone méditerranéenne étendue au Sahel, à la Corne de l’Afrique et à la mer Rouge (Med) et le Moyen-Orient et l’Extrême-Orient (Or)”. Le président Marco Minniti, ancien ministre de l’Intérieur du gouvernement PD, dont on se souvient surtout du financement des lagers libyens et des mesures répressives des décrets de sécurité, a inclus plusieurs recteurs d’universités italiennes dans le comité scientifique.
Or Thales est l’une des plus grandes entreprises d’armement au monde, produisant des drones militaires, des véhicules blindés, des systèmes de missiles et plus encore. L’un de ses projets est le développement de drones de surveillance réalisé en collaboration avec l’israélien Elbit systems. Thales a vu ses actions augmenter de 60 % depuis l’escalade militaire en Ukraine, une croissance similaire à celle de Leonardo, avec qui elle est partenaire dans l’alliance stratégique Space Alliance, établie en 2005, avec deux coentreprises aérospatiales : Thales Alenia Space, où l’entreprise française détient 67 % et l’italienne 33 %, et Telespazio où Leonardo détient 67 % et Leonardo 33 %.
Un exemple frappant a été le Fonds européen de défense pour la période 2021-2027, 8 milliards d’euros de fonds alloués par l’Union européenne pour stimuler la recherche militaire à des fins de défense et l’industrie qui y est liée.
L’aspect central des recherches et des accords que nous mettons en lumière est que derrière une apparence civile, voire “internationaliste”, se cache un projet scientifique visant à renforcer la guerre, avec la recherche dite “à double usage”, la recherche militaire sous une apparence civile.
Si nous condamnons les accords de recherche, c’est que notre modèle universitaire ne fait pas la distinction entre recherche de guerre et recherche civile, exploitant ainsi une ambiguïté fondamentale pour financer à toutes fins utiles des projets de guerre.
Il est donc important de rappeler l’impossibilité de coexistence qui existe entre l’idée d’une recherche publique au service de la société et l’industrie de guerre à laquelle contribuent aujourd’hui les universités.
Il est donc nécessaire de poursuivre des voies qui visent à interrompre toute forme de relation avec la guerre et les appareils militaires dans nos universités, à stopper à la source la complicité entre le monde de l’éducation et l’apartheid israélien, pour des universités qui soient de nouveaux lieux de pensée et des promoteurs de la paix, et non des pièces dans des œuvres d’extermination.
Ce ne sera pas au nom des étudiants que le génocide du peuple palestinien se fera et que les guerres impérialistes occidentales seront financées.
Novembre 2023